Pierluigi Collina
Dans le Foot Mag n°18 (Mars 2010), magazine de la Fédération Française de Football, nous découvrons que Philippe Béhague, Conseiller Technique Régional en Arbitrage de la Ligue Nord-Pas-de-Calais, a mis en place, un stage à l’intention des jeunes arbitres sur le thème de « la gestion du stress et des conflits ». Béatrice Carrez, la psychologue du sport qui l’accompagne sur ce projet déclare : « le problème du stress chez les arbitres est réel. Une enquête conduite auprès de cent cinquante d’entre eux l’a démontré. Il est important de leur apprendre des techniques de gestion du stress comme la respiration ou la relaxation, et de les aider dans ce domaine ».
« Leur apprendre », « les aider »... Cette initiative me semble être un bon exemple à suivre. En effet, ne serait-il à pas plus judicieux d’offrir aux arbitres des savoirs destinés à les aider à exercer leur métier par une plus grande connaissance de leurs émotions, du stress, des ressources dont ils disposent pour appréhender les événements plutôt que de se réduire au simple jugement de leur prestation ? De plus, pourquoi les jeunes arbitres devraient-ils être les seuls à bénéficier de ce genre de stages ? Dès qu’il s’agit de traiter la question des aspects mentaux de la performance (qu’elle soit sportive ou arbitrale), une fâcheuse tendance consiste à l’associer à un jeune public de peur que la population adulte s’en trouve offusquée. Dans le cas des joueurs, si les clubs sont de plus en plus enclins à se tourner vers la préparation psychologique et mentale, c’est surtout pour l’intégrer dans les programmes de leur centre de formation. Pour les joueurs de leur effectif professionnel… la plupart du temps, il en est hors de question. La même tendance s’observe en dehors de la pratique sportive : il est plus fréquent d’entendre des adultes déclarer que leur enfant va voir un psychologue que de le confier au sujet d’eux-mêmes…
Dans le cas de l’arbitrage, la formation des jeunes arbitres représente le moment idéal pour s’ouvrir à certaines connaissances mais cela signifie-t-il que pour les autres ce travail s’avère inutile et que seule l’expérience doit jouer son rôle ? L’arbitrage représente une activité complexe sur le plan de la prise de décision. Au cours de son exercice, le directeur du jeu doit donc être en mesure de sélectionner les informations pertinentes de l’environnement et d’ignorer les autres, dans des contextes chargés émotionnellement. Suffirait-il de maîtriser les lois du jeu pour s’assurer un arbitrage de qualité ? Monsieur Collina (arbitre international italien, In 2004) nous livre un témoignage sur la situation de l’arbitre de haut niveau qui révèle la difficulté de la tâche qui leur incombe : « Il faut s’habituer, y compris par le biais de l’entraînement, à ne pas se laisser distraire par des facteurs extérieurs au terrain de jeu. Pour fournir une bonne prestation, il importe de s’extraire de tout ce qui nous entoure, oublier les milliards de personnes qui regardent le match à la télévision, ainsi que la pression exercée par les 80 000 spectateurs sur les gradins. L’expérience des moments semblables est naturellement un soutien inestimable mais il importe tout autant d’apprendre à se concentrer exclusivement sur ce qu’on est en train de faire et à s’isoler de tout le reste… » Ne serait-ce pas là un des rôles essentiels de l’intervenant en psychologie du sport ? Qu’il s’agisse de jeunes arbitres ou de moins jeunes, d’arbitres amateurs ou professionnels, il semble que ces hommes auraient tout à gagner à développer leur savoir sur leurs habiletés mentales et les techniques existantes en vue de les accompagner dans l’exercice de leur métier. L’expérience comme le dit Monsieur Collina est incontestablement une richesse mais ne pourrait-on pas chercher à l’accélérer quelque peu ?
Pour conclure, encore une fois, l’initiative de la Ligue Nord-Pas-de-Calais apparaît un bon exemple à suivre pour préparer et accompagner ces acteurs (hommes et femmes) dans leur tâche. Malgré tout, ils n’en resteront pas moins humains et par conséquent faillibles. A nous d’accepter de les regarder comme tels même s’il nous est souvent impossible de porter des jugements objectifs sur leurs prises de décisions tant, à notre tour, nous sommes débordés par nos émotions…
Collina, P. (2004). Mes règles du jeu. Editeur : Jean-Claude Lattès.